Le futur du travail : chaos ou eden ?

Le 12/10/2017 - 00h00


Les emplois sont en perpétuelle transformation
. Ils s'adaptent constamment aux nouvelles technologies. L'inarrêtable progrès des technologies permet des gains de productivité et par conséquent de meilleurs salaires, sans mentionner l’amélioration des conditions de travail. Les machines ont remplacé l'homme pour une grande partie des tâches les plus ingrates depuis la révolution industrielle et bien avant encore. L'évolution des processus au travers des technologies a offert plus de temps libre, une meilleure santé et surtout de nouveaux métiers. 

Personne ne devrait avoir peur des technologies de pointe. L'inventivité humaine ne cessera jamais. Par ailleurs, personne ne devrait non plus ignorer son impact destructeur sur des millions de jobs existants. D'après l'étude "Future of Employment", 47 % des emplois sont menacés par le puissant potentiel disruptif de l'automatisation. Les emplois ont changé au cours du temps mais jamais à la vitesse que nous envisageons. Dans un contexte de taux de chômage déjà inacceptable, il est impérieux de deviner si l'automatisation et l'intelligence artificielle permettront l’émergence massive de nouveaux emplois, à temps..




Le futur est déjà là et il a des noms. Automatisation, Deep Learning, Intelligence Artificielle, Internet of Things. Le Deep Learning, en analysant d'énormes quantités de données ainsi qu'en repérant certains schémas, renforcera l'intelligence artificielle. Et l'IA permettra elle de résoudre de nombreux problèmes comme gérer des systèmes informatiques, colmater les failles de sécurité, trouver des bugs ou se reprogrammer toute seule. Et cela, plus rapidement et plus efficacement que les humains. Cette capacité à faire les choses mieux que nous, ou plus précisément, de faire les choses à moindre coût, met en danger de nombreux emplois existants. L'alliance des robots avec l'intelligence artificielle en détruira des dizaines voire des centaines de millions.


Et il ne faut pas croire que seuls les métiers nécessitant peu de matière grise disparaîtront. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'IA ne parvienne à diagnostiquer un cancer plus sûrement qu'un docteur ou à investir de l'argent sur les marchés financiers en obtenant des retours sur investissement plus élevés que ceux d'un trader chevronné. Plus de 70 % de l'argent injecté dans les marchés financiers est aujourd'hui géré par des algorithmes, une forme d'IA. Les biotechnologies et les nanotechnologies sont déjà sur le point de transformer les services de santé. Des camions sans conducteurs commencent à arpenter les routes et ce n'est pas moins de 10 millions de jobs qui sont menacés rien que chez l'oncle Sam. Dans un futur pas si distant.


Les nouvelles technologies ont souvent été pensées parallèlement au travailleur. C'est à dire que les technologies, jusqu'à présent, n'étaient pas nécessairement destructrices d'emplois dans la mesure où l'on améliorait surtout des machines fonctionnant en tandem avec les humains. Machines agricoles, ordinateurs, camions etc... ont été conçus pour faciliter la vie au travail mais rarement pour se débarrasser de l'intervention humaine. La disruption dont nous parlons dans ce papier est d'un autre genre. Il s'agit de l'automatisation qui ne requiert plus un humain pour fonctionner et se mettre à jour. Le scénario Matrix est encore loin, ne soyons pas trop en avance sur notre temps non plus. Mais le futur de nos emplois est dans la balance. Si un nombre élevé de nouveaux métiers hautement qualifiés (liés à l'utilisation des datas, l'expérience utilisateur, la recherche et développement, de design, le storytelling...) fera très certainement son apparition en remplaçant au passage les emplois obsolètes, seront-ils assez nombreux ? La disruption se propagera-t-elle si rapidement que nous n'aurons pas le temps de nous préparer en nous dotant des compétences nécessaires à la complémentarité avec l'IA ?


Personne ne peut dire avec certitude si la révolution de l'automatisation arrivera trop rapidement. Si elle ne provoquera pas une immense hausse du chômage dans le cas où les systèmes éducatifs de nos sociétés ne parviendraient pas à se réformer en temps et en heures face aux nouveaux besoins des systèmes de productions de l'économie de demain. Dans un tel scénario, nous serons confrontés à de graves conséquences. Si les niveaux de vie devaient baisser en raison de la rareté des emplois, nos sociétés devront faire face à deux choix bien distincts. Subir des guerres civiles ou réinventer la création monétaire et explorer les possibilités offertes par le revenu universel. En effet, quel drame si le progrès technologique devait en définitive ruiner la vie de millions de gens. Un tout autre scénario, que je pense beaucoup plus crédible est également possible : la mise à disposition par ce nouveau monde « mis en données » d’une compréhension tellement fine de notre environnement, qu’une quasi infinité d’opportunités de nouvelles activités, deservices notamment, va se faire jour. Les domaines du bien-être et de la santé donnent une bonne idée de ce changement de paradigme entre une relation historique ponctuelle au diagnostic lié au contact avec un médecin et les informations massives et temps réel qui sont progressivement à notre disposition via les objets connectés et algorithmes. Ce passage binaire de la bonne à la mauvaise santé va se transformer en une information multidimensionnelle d’une finesse prodigieuse et un développement de la prévention sans précédent, générant une explosion des activités de services relatives.


Et après tout, si les machines pouvaient vraiment nous remplacer au travail, pourquoi devrions-nous devenir misérables au lieu de profiter de la vie comme jamais auparavant ? L'Homme peut s'épanouir au travail, sans l'ombre d'un doute, mais il peut aussi se réaliser de différentes façons qui n'impliquent pas systématiquement la notion d'argent. L'art, le bénévolat, la protection de l'environnement par exemple. Si la majorité des emplois que nous connaissons disparaît au cours des prochaines décennies, nous ferions mieux d'espérer que toute une palette de nouveaux emplois vienne absorber la population active.


Mais même en cas de destruction massive de nos emplois, est-il possible que cela revalorise certains emplois ? Nous pouvons penser que les emplois impliquant une interaction, un échange entre humains, jouiront d'une revalorisation. L'argument étant que l'échange d'émotions restera réservé aux humains. Les professions telles que professeur, docteur, artiste, chef cuisiner, qui impliquent une relation directe entre humains, pourraient gagner en popularité. Il est pourtant également possible d'envisager une AI si puissante que certains humains décident de la fréquenter plus que les vrais humains.. Mais encore une fois, nous nous avançons un peu trop. A court terme, beaucoup de gens devront probablement gagner leur vie en proposant des services dont la principale valeur ajoutée est le fait d'être un humain.. Néanmoins, nous pouvons déjà observer que certains de ces emplois sont déjà remplacés par des machines. Les lunettes à réalité augmentée sont déjà très performantes et de nombreux programmes qui enseignent par le jeu ont vu le jour. Il s'agit très probablement du futur de l'enseignement. Lorsque vous regardez la façon dont nous produisons de l'énergie et la façon dont l'enseignement est encore dispensé,  il y a de quoi se poser des questions. Nous sommes passés de la combustion du charbon à la fusion de l'atome alors que l'autre en est resté à la salle de classe austère remplie de pupitres usés et de vieux livres ennuyeux.



La réalité est difficile à avaler mais la vérité est que pour n'importe quelle entreprise, il y a déjà plusieurs autres entreprises qui travaillent à leur automatisation. Regardez les traducteurs. Bientôt Google traduction sera extrêmement fiable et ce jour-là, des masses d'emplois se volatiliseront. Certains traducteurs trouveront toujours du travail car parfois les conversations doivent rester secrètes. Les conversations entre diplomates par exemple. Mais seuls les meilleurs pourront vivre dans l'ombre de l'IA.


Le futur pourrait laisser assez de place pour seulement deux types d'emplois. Les emplois hautement qualifiés et en général complémentaires de l'IA qui seront très bien rémunérés. Et des emplois dont le contact humain est une facette fondamentale, probablement moins bien payés en règle générale. Dieu seul sait combien d’années vont passer avant que les machines parviennent à nous remplacer dans la majorité des cas mais quand bien même cela devait arriver plus rapidement qu'anticipé, nous ne devrions pas être pessimistes.


En effet, nous devons nous demander si les gains de productivité ne permettront pas aux entreprises d'investir dans la formation de leurs employés afin de leur offrir la possibilité de renforcer leurs compétences et les rendre complémentaires de l'IA. Taxer les robots est une mécanique fiscale mais investir dans le capital humain au lieu de simplement se délester de ceux qui auront été remplacé par l'automatisation, est une meilleure idée.


La disruption de la révolution technologique qui se déroule sous nos yeux est la bienvenue. Toutefois, il est clair que nous pouvons et nous devons nous assurer que cette révolution ne laisse pas trop de gens en arrière, sans support. Si l'IA travaille mieux que nous, tant mieux. Mais préparons-nous à ces changements drastiques en perspective. Nous ne devrions pas laisser une poignée d'entreprises maîtriser l'intelligence artificielle et balayer des millions d'entreprises plus petites. Si le pouvoir de cette connaissance reste centralisé, les bénéfices seront aussi centralisés. Dans ce contexte, les inégalités exploseront et l'on peut dire sans trop s'avancer qu'il ne s'agit pas là de la définition du progrès. L'IA forte sera une conquête technologique magnifique mais ce qui sera encore plus beau, c'est de s'assurer qu'elle servira l'Homme de la meilleure des façons.


par le groupe de travail #futurdutravail :
Luc Bretones, Président Institut G9+
Nadia Robinet, Vice-Présidente Institut G9+
Didier Carré, Secrétaire Général Institut G9+