Le chômage est-il soluble dans les mathématiques ?

Le 15/09/2017 - 00h00


Le 5 septembre, l'Institut G9 + a participé à une conférence organisée par Renaissance Numérique sur le thème «
L'avenir du travail à l'ère des algorithmes». Dans le cadre de notre travail sur le sujet, suite à notre dernière rencontre annuelle et dans la perspective de notre prochain livre, nous vous proposons une synthèse de quelques-uns des points forts de cette table ronde (2/2).


Table ronde de la Renaissance Numérique: "Le chômage est-il soluble en mathématiques?"
Un algorithme pour faire baisser le chômagede 10% ? C’est le pari de Paul Duan qui a fait beaucoup de bruit l’année dernière avec son application d’aide à la recherche d’emploi : Bob Emploi. Il utilise le « matching » entre des compétences et les offres d’emploi à pourvoir. Bob, le robot virtuel en contact avec les demandeurs d’emploi,conseille ces derniers afin d’adapter leurs CVs aux offres. Il leur permet aussi de trouver les offres qui leur correspondent le mieux.

Sarah Bénichou, Chef du Département de l'égalité et des droits d'accès - Rights Defender

Laurence Lafont, Responsable Marketing et Opérations - Microsoft France

Bertrand Lamberti, SVP Stratégie - APEC

Christophe Montagnon, Directeur de l'Organisation, de l'Informatique et de la Qualité - Randstad Group en France



D’un côté, les algorithmes sont donc supposés aider à faire matcher l’offre et la demande

De l’autre, ce sont les humains qui créent ces algorithmes. Leurs valeurs et préjugés sont pris en compte dans le processus de création de la « formule magique ». Nous le mentionnons dans notre article intitulé « Le travail à l’ère des algorithmes : quelle éthique pour l’emploi ? » : les critères discriminants ne seront évidemment pas mentionnés comme tels dans les logiciels. Personne ne demandera à un ordinateur de trier sur des principes « Homme vsFemme », « Noir vs Blanc », « Jeune vs Vieux ». Mais en intégrant le critère « Grande Ecole » par exemple, on exclut une partie de la population féminine et CSP-. Donc, on continue de sélectionner une catégorie de personnes qui nous parlent ou nous ressemblent.

Sarah Benichou, cheffe d’unité au Département Promotion de l’égalité et de l’accès aux droits, confirme : les données qui nous semblent objectives traduisent en réalité les inégalités dans la société. Ce sont des humains qui vont créer et intégrer les algorithmes donc la machine qui utilise les données humaines reproduira les mêmes comportements discriminatoires. Dès la conception il faut donc faire preuve de beaucoup de vigilance sur les données que l’on communique à la machine et les manières dont elle les traite.

Un modèle de sélection basé sur des critères prédéfinis

Cependant, et comme dans le cas de Bob Emploi, les algorithmes peuvent être un moyen de faire mieux correspondre l’offre et la demande en matière d’emploi. Christophe Montagnon, Directeur des SI du Groupe Randstad, explique que ses équipes créent des modèles de sélection selon trois critères :

·        Les compétences

·        Les comportements

·        Les capacités cognitives

Ensuite, on reste sur une approche par métier. Elle est essentielle car il n’y a pas de bon profil universel. Il y a des compétences ou comportements adaptés à un métier ou à une situation. C’est aussi la raison pour laquelle les tests de personnalité sont beaucoup utilisés : les compétences sont les critères les plus modulables, les comportements et les capacités cognitives le sont bien moins.

Il est toutefois essentiel de prendre du recul sur lesavancées technologiques qui permettraient de faire baisser le taux de chômage.Les médias utilisent parfois des termes qui nous donnent l’impression d’êtredans un remake de Minority Report. Mais le marché de l’emploi reste pour lemoment, comme son nom l’indique, un marché. Que l’on tente d’améliorer au furet à mesure pour le bonheur humain.

Bertrand Lamberti, Directeur de la Stratégie de l’APEC explique que sa plateforme reçoit 700 000 offres d’emplois cadres par an. Sachant que l’agence possède 50% des parts du marché total, les entreprises françaises recruteraient donc 1 400 000 cadres par an ? Non. On est, en réalité, légèrement au-dessus de 200 000 recrutements.  Donc il y a un vrai marché de l’emploi – au sens business du terme :

·        Un marché de rencontres

·        Un marché de transactions

Or, d’un côté – celui du candidat – il n’y a pas de règles de marché. Côté RH en revanche, c’est très normé. Il n’y a pas encore de langage commun, même si cela viendra avec l’intérêt grandissant des entreprises pour leur marque employeur.

Aujourd’hui, les mathématiques peuvent donc aider à créer ce langage commun ; via des données très pragmatiques. Par exemple, on va pouvoir traduire les termes « gestion de projet de transformation » par« capacité à s’adapter » grâce à un algorithme de traduction. Les chargés RH auront l’information dans leur langage à partir de là, même s’ils ne connaissent au départ pas les enjeux d’un projet de transformation.

Pourquoi ne pas, alors, imaginer une IA qui serait un agent de recherche

Pour le moment, la fusion entre les identités professionnelle et personnelle n’est pas du goût de tous. Pour choisir un futur collaborateur le plus finement possible, il serait pourtant idéal de connaître son contexte personnel. Mais quelle part de ces informations est-on prêts à confier pour améliorer ses chances d’être recruté ? Et surtout, à qui ? Avant d’exploiter ces données, il faudra répondre à ces questions.

Laurence Lafont, Directrice Marketing & Opérations deMicrosoft France, nous incite quoi qu’il en soit à être positifs sur l’impact du numérique. Pour elle, les technologies vont créer des emplois. Elles permettront de connaître les bons mots clés pour créer un profil LinkedIn efficace, par exemple. La discrimination pourra aussi être beaucoup moins forte avec une intelligence artificielle, dès lors que l’on connaît nos faiblesses.Nous l’évoquions un peu plus haut : la machine analysera les informations demandées par l’être humain qui se cache derrière sa création. Et à travers son prisme. Dès lors, il est possible de contrebalancer les effets d’une discrimination– humaine toujours – qui a eu lieu pendant des années. Par exemple, on peut intégrer dans un algorithme la nécessité de « shortlister » 50%d’hommes et 50% de femmes sur une offre d’ingénieur, quand bien même les candidatures se répartiront – humainement – différemment : admettons, 80%de candidats hommes vs 20% de candidates femmes.

En somme, un humain va se faciliter la tâche en allant chercher un diplôme comme critère. En réalité, il ne cherche pas un diplôme mais les qualités / capacités qu’il imagine liées à ce diplôme : méthode d’apprentissage, connaissance d’un environnement. Les algorithmes pourront permettre de mentionner lesdits critères et non le diplôme, donc de proposer un meilleur matching.